(AGI) - Bâtir un marché africain du vaccin : tel est l'objectif du Forum mondial vaccinal, qui s'est récemment tenu à Paris, avec la promesse de débloquer plus d'un milliard de dollars pour le réaliser.
Ce forum sur la souveraineté vaccinale a prévu le lancement d’un nouvel instrument financier, l' "African Vaccine Manufacturing Accelerator" (Avma), afin d'encourager le développement d'une industrie sur le continent. Il s’agit également de trouver des partenaires industriels pour apporter leur expertise à la production à grande échelle.
As global leaders launched the African Vaccine Manufacturing Accelerator (AVMA) yesterday in Paris, with a commitment to invest $1 billion over the next 10 years to meet the global vaccine supply needs for key diseases.
— Africa CDC (@AfricaCDC) June 21, 2024
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Actuellement, le continent importe plus de 98% des vaccins dont il a besoin et la pandémie de Covid, durant laquelle l'Afrique a été la dernière à être approvisionnée, a été un ultérieur signal d'alarme. Les projets dans ce domaine avancent, mais pas assez vite : la récente pénurie de vaccins contre le choléra l'a cruellement rappelé ainsi que l'épidémie de variole du singe en cours en Afrique du Sud.
Le combat est mené par l'Alliance du Vaccin (Gavi), composée d'Etats, d'industriels, d'organisations internationales et de fondations.
Grâce à leur pouvoir de négociation avec les industriels, ils ont évité 17 millions de morts en 20 ans en aidant les pays africains à vacciner à des prix abordables un milliard d'enfants contre la rougeole, le pneumocoque, la diphtérie, le tétanos, la coqueluche et la poliomyélite. Aujourd'hui, Gavi souhaite vacciner un autre milliard d'enfants en deux fois moins de temps, c'est-à-dire en dix ans, et diffuser sur le continent les nouveaux vaccins contre le paludisme et le cancer du col de l'utérus, qui est aujourd'hui la principale cause de décès chez les femmes en Afrique. Parallèlement, il vise à augmenter les stocks africains de vaccins contre la fièvre jaune, le choléra et le virus Ebola.
En réalité, la construction d’un marché africain du vaccin est déjà en marche à Dakar, où un grand "vaccinopole" est en train de sortir de terre dans la ville nouvelle de Diamniadio, à 70 kilomètres de la capitale sénégalaise.
Le "Pays de la Teranga" – en langue wolof terre de partage et de richesse – peut compter sur une longue tradition en matière vaccinale, car l'Institut Pasteur de Dakar produit le vaccin contre la fièvre jaune depuis 1937, lieu où il a été découvert.
Le Sénégal est désormais l'un des quatre producteurs de ce vaccin agréé par l'OMS dans le monde, le seul en Afrique, or, c'est sur ce continent que la majorité des 200 mille cas annuels sont détectés. Les autorités locales comptent accélérer la cadence pour multiplier la production sénégalaise du vaccin contre la fièvre jaune, passant de 5 millions de doses annuelles, à 15 voire 30-40 millions. D'autres vaccins pourront être produits sur place, comme celui contre la rougeole, la rubéole et le choléra.
Le président Bassirou Diomaye Faye a rappelé qu'investir dans la production de vaccins sur le continent est nécessaire, car il reste encore largement dépendant du reste du monde pour recevoir les doses nécessaires étant donné que l'industrie vaccinale ne fournit pour l'instant que 0,25% de l'offre mondiale.
A cette fin, une usine devait être mise en service courant 2024, mais l'Institut Pasteur n'a pas donné plus de détails sur le calendrier. Créé par un chercheur français en 1896, l'Institut Pasteur de Dakar est désormais une fondation sénégalaise qui fait partie du réseau Pasteur mondial. Parmi ses partenaires, on retrouve l'Agence Française de Développement (AFD), qui est d'ailleurs l'un des financeurs du futur "vaccinopole", à hauteur de 6,5 millions d'euros.
D'autre part, l'Afrique du Sud affiche elle aussi une certaine ambition dans le secteur des grands laboratoires. Au Cap, le laboratoire Afrigen continue le développement d'un vaccin à ARN messager à destination des pays à faible revenu. L'idée est de créer la formule d'un vaccin qui pourra être transféré à d'autres pays pour qu'ils produisent localement et à faible coût les doses. L'attention ne se porte pas seulement sur le Covid-19, mais sur d'autres virus et maladies comme le VIH, la dengue ou la tuberculose.
Cependant, "le marché africain du vaccin" se heurte à une demande, qui n'est pas assez forte car peu d'acheteurs se pressent pour acquérir les vaccins africains. "La réalité, c'est que nous sommes à peu près dans la même situation qu'il y a trois ans. Les agences d'approvisionnement ne se fournissent pas encore chez les producteurs africains", a expliqué Stavris Nicolaou, représentant de l'entreprise pharmaceutique sud-africaine, Aspen.
Stavros Nicolaou participated in the @AfricaCDC Africa's Vaccine Manufacturing Virtual Conference panel discussion on the State of Africa’s vaccine manufacturing – meeting short-term COVID-19 needs and long-term vaccine security#WeAreVaccination#AfricaResponds pic.twitter.com/s9rF8XVVU8
— Aspen Pharma (@aspenpharma) April 14, 2021
L'un des exemples les plus criants de cette problématique est que le gouvernement de Pretoria a préféré se fournir en vaccins contre le pneumocoque produits par un laboratoire indien, plutôt que d'acheter des vaccins à un centre local, semi-public, Biovac; les doses indiennes sont trois fois moins chères.
Au Kenya, en revanche, la société américaine Moderna a tout simplement abandonné son projet de vaccin contre le Covid-19. Les autorités de Nairobi espèrent mettre en place une usine de remplissage de vaccins tuberculose-polio-varicelle dans les cinq prochaines années. Aucune date de production n'a été fixée au Rwanda, mais l'entreprise allemande BioNtech a apporté des conteneurs où sa technologie de l'ARN messager devrait être utilisée pour produire un vaccin contre le Covid-19, mais aussi contre la malaria et la tuberculose à l'avenir.